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Au jour le jour de Danieli Blogo

mardi 11 novembre 2008

Texte de Janine Kotwica

Dès ma première rencontre avec Au jour le jour, j’ai été définitivement séduite, et mon ouverture quotidienne du site de Daniel Maja a tout de suite pris la forme d’une addiction. Car chaque nuit,  je ne vais pas me coucher sans avoir découvert, en guise de friandise vespérale, le message du jour, et sans l’avoir ponctué, avec une jubilation certaine, d’un bref commentaire en latin.

On rencontre du beau monde sur ce blog. Tous les locataires de l’Olympe descendent régulièrement, avec leurs héroïques comparses, en villégiature
à Saint-Mandé, bousculés et détournés avec une familiarité joyeuse.

Y traînent aussi, avec une élégante nonchalance, des philosophes et des savants, des écrivains, des musiciens et des  peintres,  même des ermites, stylites et anachorètes, et d’étranges  ecclésiastiques.

Un casting impressionnant.

De Saint-Mandé, Panthéon de l’intelligentsia culturelle, on fait des escapades dans tous les lieux où souffle l’esprit, dont Paris et Venise, les destinations préférées,  et quelques contrées imaginaires, poétiques en diable, meublées de statues étranges, presque vivantes, de cariatides animées et sexuées, de ruines antiques, de gloriettes et de sémaphores, ouvertes sur des lagunes, ou de vastes océans.

Mais Daniel a en outre le pouvoir d’installer le mystère et la poésie dans les endroits les plus ordinaires comme les banlieues, le périphérique, les entrées d’immeubles, les transports urbains ou le tapis de bagages d’un aéroport, magnifiés par l’humour et  l’imagination.

Les thuriféraires de Daniel Maja apprécient particulièrement son bestiaire, hétéroclite à souhait,  auquel son trait singulier donne une certaine étrangeté.

On visite sur ce blog un zoo étonnant avec, omniprésents, des volatiles à l’inquiétante bizarrerie. Le goût du savant démiurge pour la mythologie explique sa prédilection pour les monstres et chimères. Un jardin d’Eden œcuménique et surréaliste.

Georges est un personnage récurrent de son univers. Il évolue au milieu de personnages à la silhouette drôlatique, bedonnants ou longilignes, et vit des amours compliquées, souvent contrariées, avec diverses partenaires plus déjantées les unes que les autres. Un personnage un peu lunaire que ce Georges, rêveur impénitent, qui semble n’être à sa place nulle part.

Les habitants de ce blog ouvert à tous vents vivent des aventures décalées, parfois d’un romanesque échevelé. On passe du lyrisme à la drôlerie ou à la dérision, on convoque des souvenirs fictifs mélangés aux vrais, on parodie les romans à l’eau de rose, au second, troisième ou quatrième degré.

Les conversations, avec leurs embarras et silences, sont rendues par savoureuses bribes.

Très présents pourtant, les petits bonheurs du quotidien… même si on glose ironiquement sur tous les faits de société et si l’actualité  s’immisce de façon incongrue, non sans gravité, dans des décors intemporels et se mêle aux situations cocasses et poétiques que l’artiste traverse en dandy distrait. De la gourmandise aussi chez ce Sybarite qui fait, non sans sensualité,  l’éloge de la paresse et salive en nous livrant des recettes culinaires aux fabuleux parfums d’épices.

C’est avec bonheur que l’on goûte ici encore le trait magistral de Daniel Maja, griffu, étiré, un compromis de Bosch et du Greco euphémisé par un flegme quasi britannique. La subtilité de ses mises en couleurs, on en jouit aussi, bien sûr. On était habitués aux légendes brèves et percutantes, élégamment désinvoltes et décalées des carnets, et, on les retrouve encore ici.

Mais ce que Au jour le jour apporte de nouveau, c’est l’importance plus grande donnée au texte.

Danielus pratique allègrement le mélange des genres, raconte des petits romans condensés, s’adonne au haïku, au poème, à la ritournelle rimée, convoque  formules  musicales, proverbes et citations latines, évoque doctement des sentences. Il joue de la polysémie, manie le jeu de mots, utilise des mots obsolètes avec une véritable gourmandise lexicale.

Les dessins toujours aussi ciselés de Danielus Magnus sont sertis désormais de précieuses petites perles littéraires.

Janine Kotwica – 11 novembre 2008

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