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788. Les Musiciens aveugles

dimanche 10 janvier 2016

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Très tôt le matin, dans le couloir du métro, correspondance Châtelet.
Georges vient à cette heure là, le kiosque de presse n’est pas encore ouvert, c’est l’heure des « Musiciens aveugles », les rares passants ont encore les paupières lourdes et la démarche somnambulique et pourtant ils s’arrêtent comme happés par ces musiques et ces voix d’au-delà du temps, elles te possèdent, te sidèrent, elles viennent d’un passé obscur, des âges primitifs quand la voix venait juste de naitre, se mêlait aux vagissements des enfants et aux cris des bêtes, des troupeaux qu’on hèle, à l’odeur chaude des fumiers et des suints.
Ils ne restent pas longtemps, les basses ukrainiennes viriles vont bientôt venir ou les violons mielleux et suaves des Quatre saisons ou du canon de Pachelbel.
Georges tente de leur parler, mais ils disparaissent vite, tandis que les premières hordes des travailleurs surgissent.

 

2 commentaires sur “788. Les Musiciens aveugles”

  1. yro dit :

    Oui, les échos des migrations immémoriales des peuples de la terre, leur chants et leurs paroles perdues, se mêlent au martèlement des pas pour composer la sourde rumeur qui gronde dans les cavernes tentaculaires du métro depuis plusieurs millénaires avant Fulgence Bienvenüe. Je comprends le plaisir et l’excitation de Georges, paléontologue de la poésie (entre autres), à en entendre et voir passer fugitivement au petit matin, venus du fond des âges, les premiers aèdes – et je le remercie de me faire partager, moi qui dort le plus souvent à ces heures là, l’émotion particulière des premières notes de ce concert du quotidien inouï.

  2. yro dit :

    J’ai l’intention de venir vous saluer et jouir des créations autour de Flaubert – et vous remercie de m’y avoir convié. Amitiés.
    Yves

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