Georges descendit à l’avant-dernière station, l’autobus continuait jusqu’à l’Hôpital. Le 48 de la rue n’était pas loin, un pavillon en meulières, des achélèmes l’enserraient presque à l’étouffer . La grille était entrouverte, petit jardin bien entretenu, quelques arbres malingres. La porte juste poussée, on l’attendait. L’homme l’accueillit simplement, ils se firent les signes de reconnaissance puis l’accolade.
Le salon était encombré par des sortes d’aquariums sans eau, remplis de bouts de bois, de tiges cassées, de débris végétaux, de feuilles désêchées ou froissées. Comme on l’incitait à observer plus avant, Georges remarqua que les brindilles bougeaient par à-coups et il se souvint de l’instituteur qui l’avait initié à l’élevage des phasmes. C’était une extraordinaire collection de phasmes, du banal Clonopsis gallica au Phobaeticus Chani de Bornéo géant, de l’Extatosoma à l’Heteropterix dilatata.
Plus tard, ils trinquèrent en devisant sur les leurres et les masques, sur l’univers mimétique, la confusion des règnes, les connivences et les symbioses ( l’Ordre savait choisir ses membres).
La nuit était tombée, Georges reprit l’autobus qui le brinquebala jusqu’au métro. Deux changements, pour une heure au moins, Georges pouvait rêver de Magritte, ou de Tchouang-Tseu, le gardien boiteux du jardin des canneliers.* C’était une belle leçon de choses.
*Rendre hommage aussi à J.M. Pelt qui vient de mourir.
Des phasmes, il y en avait jadis (années 60-70) à l’aquarium du Trocadéro, alors lieu caverneux, assez vétuste et magique aussi (et le plus souvent désert), dans un terrarium, pas loin des axolotls… Je n’y suis pas retourné depuis les réaménagements, déjà anciens… Où en voir à Paris aujourd’hui?