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990. Jardin (II)

lundi 18 mai 2020

Le jardin s’étendait bien au delà, jusqu’au fleuve, avec des points-de-vue ménagés, des collines, des ravins, des terrasses, des grottes aux parois de coquillages, des labyrinthes. Chaque propriétaire y avait laissé ses marques: tombeau étrusque, naumachie, pyramide toltèque, ruines gothiques, lingam hindou, menhir.
Au centre, la grande fontaine baroque, oeuvre de maitres-plombiers et fontainiers florentins, avec ses naïades, dauphins, pythons, crocodiles, ornithorinques, sirènes et tortues. L’eau giclait de toutes les gueules et orifices, explosait en mille gerbes.
Le parc était en perpétuelle mutation, vous marchiez et sous vos pas jaillissaient des jets d’eau bientôt devenus ruisseaux puis cascades, des dragons se dressaient menaçants, des toucans ou des crapauds-buffles vous interpellaient, des voix de trépassés même demandaient assistance.
Ces miracles étaient commandés par une machinerie complexe dont l’ermite taoïste gardait secret l’emplacement.
Il prétendait être la dernière réincarnation de Yen Chen qui avait créé pour le premier Auguste Empereur T’sin Che Houang Ti *, des automates hydrauliques de cuir et de bois. Il attend que son successeur se révèle, alors il lui enseignera la Science des fluides et l’Alchimie sacrée des eaux vives et des veines souterraines.

  • au IIIéme siècle avant notre ère,
    « L’empereur et ses automates » Jean Levi

2 commentaires sur “990. Jardin (II)”

  1. Marie-Christine Struk dit :

    Peut-on voir dans cet imaginaire effervescent l’effet quelque peu hallucinatoire de la malheureuse solution de continuité qui, entre le 18 mars et le 12 mai 2020, a privé le promeneur de sa fréquentation régulière du beau parc boisé qu’il avait à sa porte ? On connait ce jaillissement d’inspiration chez les artistes et poètes confinés, à un degré auquel, heureusement n’affectant pas leur créativité, la privation a pour résultat de la fouetter !

  2. Il aimait les jardins… était prêtre de Flore… Il l’était de Pomone encore…

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