La vie brève |

972. Un pelerin russe

mercredi 15 avril 2020

J’avais onze ou douze ans, les années 50 donc, de l’autre siècle, une boutique de Radio, dans la vitrine un poste de télévision massif, des images en noir et blanc, très contrastées, je me joins aux personnes qui regardent et écoutent, fascinées.
on raconte l’histoire de Feodor Kouzmitch, un starets, pauvre, vénèré par les villageois qu’il conseille et soigne, on le tient pour saint, il fait des miracles. Un marchand croit reconnaitre en lui, le Tsar Alexandre Ier, mort dix ans plus tôt.
Ce n’est que bien plus tard que j’appris que le nouveau tsar fit ouvrir le cercueil d’Alexandre Ier, il était vide…
On racontait aussi que la princesse Anastasia avait survécu à l’assassinat de la famille impériale par les bolchéviques.
Dans l’histoire russe, les faux Tsars, les imposteurs, les messies sont légion, mais c’est l’image du moine errant dans la neige qui m’émut alors, sa quête de n’être rien alors qu’il fut le Premier que je gardais en mémoire.
Je retrouvais ce sentiment lorsque je lus le récit du « Pèlerin russe » dans une vieille édition trouvée par hasard lors d’une brocante, l’histoire d’un moine errant partant de Sibérie à pied pour Jerusalem, récit poignant, bouleversant, il s’abandonne dans les pires périls entre les mains de Dieu, ses viatiques : la Prière du Coeur et un livre, la Philocalie. J’y retrouvais les Fioretti de saint François, Marguerite Porète et les mystiques médiévaux en une langue si pure, si simple et profonde.
Je l’associais au vieillard taoïste de Kawabata qui partit, quittant tout pour la Montagne dont il avait entendu le Grondement et qui ne revint jamais.

4 commentaires sur “972. Un pelerin russe”

  1. yro dit :

    Oui, avant de partir en voyage dans certains livres, il est bon de se munir de quelques viatiques Je ne mentionnerai qu’une paire de bonnes bésicles, surtout si l’on est un vieux pèlerin. Il faut aussi à tout âge être d’humeur joyeuse et avoir l’esprit à la fois crédule, prêt à accepter toutes les invraisemblances, et réfléchi et même volontiers terriblement septique. Comme un enfant de douze ans donc, non?

  2. yro dit :

    Influencé par l’air du temps, qui l’est incontestablement (on ne peut plus être sceptique), j’ai glissé orthographiquement. Je ne voulais pas dire que la lecture infecte les que les enfants de douze ans.

  3. cerisier-struk dit :

    Le Pélerin russe et déjà la distanciation sociale ! :
     » – Je suppose que vous êtes pélerin ?
    -Oui, répondis-je.
    Il me pria d’entrer et voulut savoir qui j’étais et où j’allais. Je lui dis tout ce qui me concernait, sans rien cacher. Il m’offrit le thé et se mit à me parler.
    – Ecoute, mon petit pigeon. Je te conseillerais d’aller au monastère Solovetsky, dans une des îles Solovets, dans la mer Blanche; il y a là un site très paisible et très retiré, appelé Anzersky. C’est une sorte de second Athos, et chacun y est le bienvenu. Le noviciat y consiste seulement en ceci : lire à tour de rôle le psautier dans l’église quatre heures sur vingt- quatre. J’y vais moi-même , et j’ai fait voeu d’y aller à pied. Nous pourrions nous y rendre ensemble. Ce serait plus sûr avec toi ( …)
    Je te proposerais ces conditions : nous marcherions à une vingtaine de pas l’un de l’autre; ainsi nous ne nous gênerions pas , et nous pourrions lire ou méditer tout au long du chemin. Réfléchis, frère, et accepte, je t’en prie ; cela en vaut la peine . (…) « 

  4. Daniel Trouillot dit :

    En ce moment, on doit privilégier le voyage intérieur… Compagne ou compagnon, livres, souvenirs et courriels sont les rares compagnons accessibles.
    Je vous quitte : Je dois aller fabriquer des masques !

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