Le dimanche, par beau temps, nous montions au cimetière.
On se rencontrait, on faisait moisson des histoires du village, des nouvelles, des potins, mais aussi des sagas des familles, les alliances fructueuses et les désastreuses, les cousinages, on bouturait des arbres généalogiques, on découvrait de nouvelles pousses…
On débouchait les bouteilles, on trinquait à la santé des anciens, des disparus, des descendants, des anges, des récoltes, des vendanges, on chantait même.
On offrait des libations au carré de ceux de 14/18, les poilus et les cinq allemands couchés côte à côte. Le village était près du front, il avait été pris et reconquis à plusieurs reprises, des balles, des éclats d’obus, des bouts de casques remontaient en surface lors des labours.
La descente était un peu raide, l’ivresse venue. mais on avait vécu un beau dimanche.
Ad extremum, mortui laeti et festivi convictores sunt
« on bouturait des arbres généalogiques, on découvrait de nouvelles pousses »…
Magnifique !
oui mais ç’avait été la dernière, et parmi les coquelicots renaissant et les jeux des enfants, les tombes des tombés étaient les tables devant lesquelles les « convictores », que le français appelle joliment convives, buvaient debout le vin au goût de sang et de terre, dans la lumière dorée du soir d’avant les lendemains qui allaient chanter, non?
Et quand il ne faisait pas beau ?
Jack