Nous avions rendez-vous avec Georges à l’Ombilic del Mondo.
C’était une de ces journées où il semble que tout va basculer, que le sort du monde se joue là, qu’il suffit d’un battement de paupière et tout devient autre.
Georges avait son air des grandes conspirations, il souriait. Nous nous demandâmes ce qu’il manigançait.
Au fur et à mesure que nous descendions vers la mer, l’air devenait plus lourd avec des effluves de varech et d’ammoniac.
Sur le rivage, Georges avait pris un air chamanique sa barbe frissonnait, elle aussi inspirée.
Il s’approcha de la mer et dit:
» Voilà Thalassa la féconde, voilà la Soupe primitive, le Bouillon amniotique de la Vie »
puis il marcha tranquillement sur les vagues…
C’était grandiose et zarathoustréen!
On peut voir cette scène magnifiée par le pinceau de D.M. au Musée d’Orsay, en bas à droite, entre d’admirables compositions d’Alphonse de Neuville (1836-1885) et Fernand Cormon (1845-1924)
Cette anecdote est très étonnante et, n’était ce témoignage digne de Foi, j’aurais dit que, même par mer calme, cela me semblait outrepasser les capacités de Georges.
Mais à propos du tableau, au risque de paraître pédant, je rappellerai que, sans rapport direct (quoique?) avec celui de D.M., unique et dont le rendu proprement majique illumine le musée d’Orsay, Francisco Goya peignit aussi (après d’autres…) un Ombilic del mondo, plus souvent appelé « La Maja desnuda ». Ledit ombilic y figure, bien sûr symboliquement, au centre géométrique exact (point de rencontre des diagonales) de la toile.
Notons que le mot « mondo » est dans ce cas à comprendre dans un sens de phylum humain, apparenté au titre que donna Gustave Courbet au tableau qui en dévoile l’origine, exposé dans le même musée que celui de D.M. (dont on a pu voir d’ailleurs une autre version – était-ce un faux? – dans l’exposition récente de la collection Chtchoukine).
Orbis umbilicus? Mundi origo? Innocentes libidines…